BRACAVAL, né
à Nantes en 1948, il bénéficie de la première
Bourse du Musée des Sables d'Olonne uvres dans
les Musées de Nantes, Liège, Morlaix, Les Sables d'Olonne,
Wakefield Art Gallery, PRIX : Pinneau Chaillou, Lafont, Robert Beltz.
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L'aune de l'instant Paru à l'occasion de l'exposition produite par le Centre Culturel de Saint-Nazaire (1994) |
Ajoutant au silence de la peinture, le peintre, sabstenant de révéler son intention, renvoyant à lui-même le spectateur, favorise une ambiguïté féconde. Inscrit-il quelques mots au coin dune
toile, Gauguin nexprime quun désarroi : Un a priori abusif voudrait que le goût du jour soit le seul juste, devrait-il être chassé par celui du lendemain, et si certaines uvres profitent dune complicité avec leur époque, dautres attendent que le temps en fournisse les clés, comme un alphabet découvert soudain autorise la traduction de textes, restés durant des siècles hermétiques. Afin de me faire une idée de leffet que produira lart moderne sur les civilisations à venir, jimagine un extra-terrestre, découvrant dans les décombres dun musée, un Mondrian et un Pollock, et les rangeant dans la même case "Art du XXe siècle ", car pouvons nous apprécier les différentes tendances de lart égyptien, alors que se confondent pour nous celles de notre peinture classique ? Pour mieux saisir le sens dune uvre, jaime mattacher à linstant premier - primitif - de la rencontre, avant toute récupération mentale. Une longue contemplation mapprend moins que léclair précédant le moment où mon être se ressaisit. Comme si le rôle dune uvre était de détruire, une seconde, les remparts derrière lesquels se protègent nos certitudes. Le contact a lieu à notre insu, dans une zone où nous mêmes - entendons notre volonté - navons ni accès ni contrôle. Nous devons basculer là où il nous semble que nous sachions, sans savoir que nous savons, ni comment nous pouvons le savoir. Revoyant une même uvre après plusieurs années, notre lecture bénéficie dun recul nous permettant dévaluer notre précédente émotion, notre ancienne grille dappréciation nous semblant alors périmée, une foule darguments nous amenant à modifier notre regard. Sommes-nous certains que notre vision eût été la même si tels commentaires ne nous y avaient préparés ? Lucide Delacroix disait : "Montrez leur ce quils nont pas aimé ". Notre vision étant si dépendante, sujette à tant de fluctuations, les uvres sont-elles vraiment causes que nous les aimions, en venons nous à nous interroger, et comment pouvons nous porter un jugement fiable si chacun mesure selon son aune ? La force que nous insuffle une uvre, peut nous laisser lillusion den être à son niveau, pour en savoir goûter le suc, nous trouvant gratifiés dappartenir au cercle restreint de ceux qui en ressentent lesprit; mais la rencontre suivante nous révèle dautres aspects, de sorte quà mesure où notre réceptivité se développe, nous éprouvons linquiétude que nous échappe sa grandeur consistant à ne jamais se laisser déchiffrer, toujours au delà de notre système danalyse , comme si un fil invisible en commandait toutes les facettes. La capacité de nous détacher de notre regard pour en devenir lobservateur, nous donnerait accès à une vision nouvelle. Ce sont les mêmes modèles, les mêmes paysages, mais les projecteurs sont réglés différemment. Notre relation passionnelle aux uvres nous enseigne que rien nexiste solidement, durablement, tout se fondant dans cette lumière se modifiant sans cesse, à la faveur des heures et des modes. Comme si la peinture nous amenait à douter de nos propres yeux, pour qu'enfin nous puissions voir. |